Quand les enseignes de magasins deviennent responsables - Wiou
Adhérent au Pacte mondial depuis 2021, le groupe Wiou est une PME qui fabrique des enseignes et la signalétique des magasins en région Nouvelle-Aquitaine. Il a mis en place un programme de réemploi des enseignes et de réduction des déchets. Cédric Nanglard, président du groupe, nous raconte le cheminement de l’entreprise vers l’économie circulaire.
Cédric, vous dirigez une PME et vous avez choisi un modèle de production plus vertueux. Quel a été votre parcours pour réorienter votre production et par là même votre modèle économique ?
Le groupe Wiou est une petite entreprise comprenant deux marques : ADP Enseignes et Kalico Enseignes. En 2021, au moment de répondre à un appel d’offres, il était demandé d’être adhérent au Pacte mondial, aussi, pour mettre toutes les chances de notre côté, nous nous sommes penchés sur la question. Nous avons d’abord regardé les bonnes pratiques dans le secteur puis nous avons décidé de rejoindre d’abord le Pacte mondial puis la Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) en 2023 et cela a été un véritable choc.
Premier constat : les enseignes produisent beaucoup de déchets car elles sont fabriquées majoritairement avec des matériaux non recyclables, tels le PVC et le Dibond qui constituaient 80 % des achats de nos matières rigides. Chaque année, nous produisions 4,5 tonnes de déchets. Et que devenaient-ils ? Ils étaient enfouis. Nous avons alors opéré un virage à 180 degrés. Nous avons décidé de changer de matériaux pour produire nos enseignes. Nous sommes passés du plastique au bois, à l’aluminium et au plexi 100 % recyclé et recyclable. Nous sommes allés chercher des fournisseurs qui répondaient au nouveau cahier des charges et avons remis au goût du jour les enseignes peintes à la main, une tradition dans le métier.
Puis le groupe a été un cran plus loin avec une ambition : faire changer la profession. Nous avons invité nos concurrents autour d’une table pour leur parler de nos bonnes pratiques afin de réduire notre impact environnemental, nous leur avons donné les contacts des fournisseurs et les tarifs. Les commerciaux se sont montrés réticents car nous avions un avantage concurrentiel. Informer les concurrents, c’était un peu comme leur livrer nos secrets de fabrication ! Les concurrents eux-mêmes se sont posé des questions. Pourquoi la plus grosse entreprise de la région en matière d’enseignes nous invite à sa table ? Nous avons choisi la parole libre, la transparence. Et finalement, cela a permis de créer un véritable espace d’échanges. Notre parcours à la Convention des Entreprises pour le Climat s’est terminé en juin 2024 mais nous avons d’ores et déjà évoqué une autre piste intéressante, allant toujours dans le sens de l’économie circulaire et de la coopération : la mutualisation des machines. Une machine pour imprimer les enseignes sur la matière peut coûter 400 000 euros. Or elle tourne 50 % du temps. Donc, pourquoi ne pas la faire tourner à plein temps et mutualiser l’usage avec les confrères pour la rentabiliser au maximum ?
Chaque année, nous produisions 4,5 tonnes de déchets. Et que devenaient-ils ? Ils étaient enfouis.
– Cédric Nanglard
Vous avez également lancé le programme ADP re-use. Pouvez-vous nous en parler ?
Une façade de magasin est renouvelée tous les 5 ans en moyenne, que ce soit à cause du renouvellement de branding ou pour fermeture du magasin. Pour limiter les déchets liés aux enseignes en fin de vie, nous avons créé un programme de réemploi. Nous récupérons les vieilles enseignes pour les remettre en état. Et pour encourager les commerçants à ne pas mettre leurs enseignes à la benne, nous louons les enseignes 90 €/mois pendant 5 ans. Nous avons donc réorienté notre modèle économique en passant de la vente à l’économie de l’usage. Ce programme est mis en place depuis 2 ans. L’objectif est de parvenir à 80 % de nos enseignes louées en 2030. Le co-bénéfice est évident : une enseigne recyclée coûte moins cher au client et on évite de produire des déchets en prolongeant la durée de vie de nos produits.
Avez-vous déjà des résultats concluants ?
Nous avons divisé par plus de 2 notre production de déchets passant de 4,5 tonnes de déchets enfouis en 2022 à 2,1 tonnes en 2023 et l’objectif est de parvenir à zéro déchet enfoui.
Le plus dur a été de dire non à certains appels d’offres et de proposer des modèles qui ne répondaient pas au cahier des charges initial. Quand Go Sport a racheté Intersport, toutes les enseignes devaient être changées dans la région. Les lettres devaient être en PVC blanc. On a proposé une signalétique en bois, donc plus chère, mais nous avons été retenus sur ce marché car les clients sont de plus en plus sensibles à la démarche environnementale et aussi soumis à de plus en plus de contraintes réglementaires pour limiter leurs externalités négatives, et cela commence par le choix de fournisseurs qui leur proposent des solutions.
Il y a quelques mois, c’est Ubisoft qui s’implantait à Bordeaux. Les locaux sont magnifiques mais les enseignes devaient être en PVC et Dibond. On a répondu en leur proposant du bois et de l’aluminium. Et finalement, nous avons été retenus en expliquant notre proposition.
Pour la location, nous avons une marge de progression. Seulement 5 % des clients louent leur enseigne aujourd’hui. Ils doivent sortir de leurs habitudes et nos commerciaux aussi. Nous devons encore travailler cette offre différenciante, c’est l’avenir de notre métier.
Du Pacte mondial à l’entreprise à mission
Cette adhésion au Pacte mondial en 2021 a été finalement un point de départ à notre ambition de changer notre mode de production. Nous nous engageons à respecter les 17 ODD parmi lesquels évidemment l’ODD 12 sur la production et la consommation responsable fait figure de pilier dans notre démarche, mais nous agissons aussi sur l’ODD 13 (lutter contre le changement climatique), l’ODD 14 sur la vie aquatique quand on sait que le plastique finit dans les océans.
Notre prochaine étape après notre engagement au Pacte mondial ou à la CEC est de devenir B Corp et entreprise à mission. Cela nous permettra de mieux travailler la gouvernance et de progresser dans une croissance qui ne perd de vue ni l’environnement ni le social. Et nos collaborateurs sont moteurs. Alors cette nouvelle voie est pleine de promesses.
Cette adhésion au Pacte mondial en 2021 a été finalement un point de départ à notre ambition de changer notre mode de production.
– Cédric Nanglard