Du poivre bio à São Tomé : Jean Hénaff s’engage pour un approvisionnement responsable - Groupe Jean Hénaff
Jean Hénaff, fabricant breton de produits alimentaires depuis 1907, entend maîtriser l’approvisionnement de ses matières premières depuis plus d’un siècle. Le poivre, ingrédient phare de ses produits, qui entre notamment dans la composition du fameux pâté et saucisses de la marque, fait l’objet depuis 2007 d’un programme de développement d’une filière responsable sur l’île de São Tomé. Loïc Hénaff, le Président Directeur Général du Groupe Hénaff, revient sur son engagement dans cette démarche.
LOÏC, VOUS ÊTES A LA TÊTE D’UN GROUPE FAMILIAL INDÉPENDANT QUI EXISTE DEPUIS PLUS DE 100 ANS, INVESTI DANS UNE ALIMENTATION DURABLE ET LOCALE. POURQUOI AVEZ-VOUS DÉCIDÉ D’INVESTIR DANS LE POIVRE DE SÃO TOMÉ ?
Le poivre est un ingrédient essentiel dans nos produits. Or en 2008, nous avons reçu des réclamations de la part des consommateurs. Très vite, nous avons identifié un problème organoleptique lié au poivre moulu acheté. Le poivre est une épice obtenue à partir des baies d’une plante appelée « poivrier ». Lorsque le fruit sèche, on obtient du poivre noir. Pour le poivre blanc, le fruit est mis à macérer dans l’eau. La fermentation peut dégager des composants volatils désagréables qui disparaissent quand le poivre est mélangé. Dans ce cas précis, ces retours sur la qualité des produits pouvaient porter préjudice à l’entreprise. Nous avons donc rapidement cherché une solution pour nous approvisionner avec un poivre d’excellente qualité. Gilles Talrich, dirigeant du Laboratoire d’Herboristerie Générale, dont la mission est de sourcer les épices et plantes 100% naturelles, nous a proposé une solution : le poivre de la petite île de São Tomé, au large des côtes gabonaises. Il venait de commencer le développement de cette filière d’approvisionnement en 2007 avec la création d’une coopérative, la CEPIBA.
COMMENT AVEZ-VOUS ACCOMPAGNÉ LA DEMARCHE DE DEVELOPPEMENT DE CETTE AGRICULTURE BIOLOGIQUE ?
Nous nous sommes engagés à préfinancer la récolte à un prix fixe déterminé annuellement, ce qui permettait d’assurer aux producteurs de poivre un revenu sûr et d’accompagner le développement de la filière. L’île de São Tomé est très pauvre. La production de poivre est une activité complémentaire pour les agriculteurs, et familiale. Ce préfinancement assurait une garantie aux planteurs et un prix juste quel que soit le niveau des récoltes.
La première année, nous avons eu une tonne de poivre, puis trois, puis cinq. La production s’est étoffée progressivement. Gilles Talrich assurait la formation aux pratiques de l’agriculture biologique, ce qui permettait aux agriculteurs d’acquérir de solides compétences pour développer un poivre bio de qualité. Le poivre est d’ailleurs audité chaque année pour la certification AB. Il est récolté à la main lorsque les baies sont ensuite séchées au soleil, ce qui apporte au poivre son aspect croquant.
Nous avons besoin de 11 tonnes par an. Aujourd’hui, la production dépasse largement les besoins de la société. Les agriculteurs au nombre de 350 en 2023 sont organisés en coopérative et couvrent 90 hectares de production. Le groupe est assuré d’avoir une entière traçabilité du produit et une garantie d’un ingrédient de qualité.
L’UN DES PILIERS DU GROUPE HÉNAFF EST JUSTEMENT LE DÉVELOPPEMENT D’UNE FILIÈRE LOCALE ET RESPONSABLE. EST-CE QUE LE POIVRE ENTRE DANS CETTE STRATÉGIE ?
Notre démarche responsable à impact positif « Be Good 2030 », lancée en 2019, a défini 4 « amonts » prioritaires : le porc, les algues, le poisson et le poivre. Sur ces 4 produits, nous avons mis en place une démarche de progrès.
Sur le porc, nous avons concentré nos achats à un nombre moins important d’éleveurs. Nous sommes ainsi passés de 50 éleveurs à 16 (7 en conventionnel et 8 en bio), ce qui permet de faciliter les échanges et d’avancer sur des démarches RSE avec eux plus facilement. Nous pouvons réfléchir ensemble à l’avenir de la filière, l’évolution des pratiques vers un plus grand respect de l’environnement et du vivant, avec un objectif par exemple d’amélioration du bien-être animal. Nous nous voyons deux fois par an pour faire avancer les sujets. Rien n’est parfait, mais les éleveurs qui travaillent avec nous ont la volonté de progresser. Nous publions un rapport RSE très complet depuis 4 ans et les indicateurs montent selon nos exigences. Cela s’appelle une communauté de progrès. On essaie de faire la même chose avec les ramasseurs d’algues et les marins pêcheurs.
LE GROUPE A REJOINT LE PACTE MONDIAL EN 2003 ET A ÉTÉ AMBASSADEUR DU PACTE MONDIAL RÉSEAU FRANCE. EST-CE QUE CELA A PERMIS DE STRUCTURER OU DE FAIRE AVANCER VOTRE DÉMARCHE RSE ?
Quand nous avons rejoint le Pacte mondial, nous étions d’abord intéressés par les grands principes, dont les droits de l’Homme ou les normes internationales du travail. Le Pacte mondial est en avance sur les sujets de lutte anti-corruption. Cela nous a aidés à travailler sur la concurrence déloyale ou la relation aux fournisseurs. Puis l’arrivée des ODD en 2015 a structuré la démarche. Avec la norme ISO 26 000 que nous suivons (labélisation « RSE Bretagne 26000 »), chaque sujet est abordé avec attention. La Communication sur le Progrès (CoP) nous a aussi permis de progresser dans nos actions. En tant que membre du Conseil d’administration du Pacte mondial de l’ONU – Réseau France, je reste en éveil sur les évolutions de ces sujets.
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