19 décembre 2024
ESG, 20 ans après : de l’intuition à la transformation globale
L’année 2024 marquait les 20 ans de la création de la notion d’ESG (environnement, social et gouvernance), avec la publication du rapport « Who Cares Wins » publié en 2004 à l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan et du Pacte mondial des Nations Unies. Vingt ans plus tard, cette notion s’intègre désormais au cœur des stratégies d’entreprise et des instruments réglementaires.
Si le principe même d’incorporer des critères responsables dans les investissements peut trouver son origine plusieurs décennies avant la publication du rapport « Who Cares Wins », ce dernier aura contribué à véritablement faire émerger ce principe d’intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Comme l’expliquait Georg Kell, premier Directeur général du Pacte mondial des Nations Unies, à l’occasion des 20 ans du réseau français, il est apparu rapidement après le lancement de l’initiative que « si les investisseurs ne soutenaient pas les entreprises, il serait alors difficile d’établir le bien-fondé de l’action du Pacte mondial. ». C’est pourquoi un groupe de travail avait été initié par Kofi Annan, avec le soutien de la Société financière internationale, aboutissant ainsi à ce rapport établissant les bases du mouvement ESG à l’échelle mondiale. Sur cette base, le Pacte mondial, en coopération avec le PNUE, avait ensuite lancé les Principes pour l’investissement responsable (PRI) en 2006.
Les auteurs du rapport Who Cares Wins avaient formulé plusieurs recommandations majeures, adressées à la fois aux investisseurs, aux entreprises, aux institutions financières et aux gouvernements :
- « Les institutions financières doivent s’engager à intégrer systématiquement les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs processus de recherche et d’investissement. » ;
- « Il est demandé aux entreprises de jouer un rôle de premier plan en mettant en œuvre des principes et des politiques environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise et de fournir des informations et des rapports sur les performances connexes dans un format plus cohérent et standardisé. » ;
- « Les investisseurs sont encouragés à demander et à récompenser explicitement les recherches qui incluent les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance et à récompenser les entreprises bien gérées. » ;
- « Les régulateurs sont invités à façonner les cadres juridiques de manière prévisible et transparente, car cela favorisera l’intégration dans l’analyse financière. ».
Vingt ans plus tard, celles-ci ont été pleinement suivies. Selon le rapport 2022 de la Global Sustainable Investment Alliance, 30 300 milliards de dollars d’investissements en lien avec ces critères avaient été réalisés cette année-là. Les entreprises sont toujours plus nombreuses à intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance au cœur de leurs activités et de leur stratégie, et le cadre réglementaire leur impose de communiquer avec davantage de transparence sur leurs impacts. Les régulateurs, que ce soit en Europe, en Amérique du Nord ou en Asie, ont permis l’émergence de cadres plus solides et harmonisés, prenant en compte l’intégralité de ces enjeux, afin de favoriser une transition juste. Avec la CSRD en Europe, ce sont près de 50 000 entreprises au total qui devront directement communiquer en plus grande transparence sur leurs impacts, et l’intégration de leur chaîne de valeur dans ce devoir de transparence créera de fait un champ d’application indirect encore plus large.
Ces deux dernières années, la notion d’ESG a également été associée au phénomène d’ESG Backlash, ou contestation de l’ESG en français, qui peut s’expliquer à la fois par le greenwashing, ainsi que par une contestation du principe même d’ESG. Néanmoins, ce phénomène semble encore restreint au débat public américain et ne s’étend pas nécessairement en Europe1. En dépit de cette contestation, les entreprises américaines communiquent en réalité de plus en plus sur le social et l’environnemental. En 2023, 85% des grandes entreprises américaines (10 à 200 milliards de dollars de CA) communiquaient sur leurs émissions de Scope 1 et 2, contre seulement 54% en 2019. De même, parmi les entreprises du S&P500, plus de 80% communiquent désormais sur la diversité au sein de leur effectif, alors qu’elles n’étaient que 5% à le faire en 20192.
Alors que l’ESG est devenu un pilier incontournable des stratégies d’entreprise au cours des vingt dernières années, le Pacte mondial des Nations Unies et ses Dix principes universels, renforcés par les Objectifs de développement durable, s’imposent comme une boussole essentielle pour guider les entreprises vers une performance durable et responsable. Dans un contexte où les exigences réglementaires en matière de reporting ESG se multiplient et se renforcent, les entreprises qui s’engagent volontairement dans cette dynamique de progrès, via le Pacte mondial, prennent une longueur d’avance précieuse. En combinant ambition et anticipation, elles ne se contentent pas de répondre aux attentes actuelles : elles préparent l’économie de demain, où la durabilité sera la condition sine qua non de la réussite collective.