22 novembre 2023
Climat : les grands enjeux de la COP28
Le 30 novembre débutera aux Émirats arabes unis la Conférence de Dubaï sur les changements climatiques (COP28). Celle-ci se tiendra jusqu’au 12 décembre et réunira l’ensemble des États signataires de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. La COP sera notamment marquée par la présentation des premières conclusions du premier Bilan mondial sur la mise en œuvre des objectifs de l’Accord de Paris.
Qu’est-ce que la COP ?
La Conférence des parties (Conference Of Parties – COP), est l’organe décisionnaire majeur réunissant l’ensemble des États signataires des conventions des Nations Unies étant dotées d’un tel organe. Dans ce cas, la COP rassemble les 197 États signataires de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC/UNFCCC). La CNUCC est l’une des trois conventions adoptées lors du Sommet de Rio de 1992. Les COP se tiennent annuellement depuis 1995 avec la COP1 de Berlin.
Les parties à la Convention examinent l’application de celle-ci et de tout autre instrument juridique qu’elle adopte et prennent les décisions nécessaires pour promouvoir l’application effective de la Convention, y compris les dispositions institutionnelles et administratives[1]. La COP permet notamment d’étudier les Contributions déterminées au niveau national (CDN) des parties sur le changement climatique, ainsi que l’évolution des émissions.
Rappel de l’édition précédente
La COP27 s’est tenue en novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Égypte. Les négociations ont abouti sur cinq points essentiels[2].
1. La création d’un fonds dédié aux pertes et préjudices pour les pays vulnérables durement touchés par les inondations, les sécheresses et autres catastrophes climatiques, avec des promesses de dons d’un montant total de plus de 230 millions dollars. Ce fonds permettra ainsi aux communautés les plus vulnérables de s’adapter plus efficacement au changement climatique.
2. Maintenir une intention claire de garder l’objectif de l’Accord de Paris de 1,5°C à portée de main :
- alors qu’un rapport d’ONU Climat trace une trajectoire vers un réchauffement à 2,5° d’ici la fin du siècle compte tenu de la mise en œuvre actuelle des engagements[3], les États membres ont réaffirmé pour limiter l’augmentation du réchauffement climatique à 1,5°C ;
- un programme de travail sur l’atténuation des changements climatiques sera lancé dès 2023 et ce jusqu’en 2026 ;
- les États membres devront également présenter en 2023 des plans nationaux pour le climat plus ambitieux, qui seront analysés par le secrétariat en fin d’année.
3. Responsabiliser les entreprises et les institutions : la transparence des engagements des entreprises et des institutions sera une priorité de l’ONU Climat en 2023, qui devait présenter un plan au Secrétaire général en 2023.
4. Mobiliser davantage de soutien financier pour les pays en développement :
- le plan de mise en œuvre de la COP27 de Charm el-Cheikh, souligne que la transformation mondiale vers une économie à faible émission de carbone devrait nécessiter des investissements d’au moins 4 000 à 6 000 milliards de dollars par an ;
- des promesses faites au Fonds d’adaptation (211,58 millions de dollars), au Fonds pour les pays les moins avancés (70,6 millions) et au Fonds spécial pour le changement climatique (35 millions) ;
- l’objectif des pays développés parties de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 n’avait cependant pas encore été atteint. Néanmoins, cet objectif avait été finalement atteint en juin 2023 en marge du Sommet pour un nouveau pacte financier[4].
5. Faire le pivot vers la mise en œuvre, avec le lancement d’un programme de travail sur la “transition juste”, qui devrait s’appuyer sur les travaux visant à renforcer d’urgence l’ambition et la mise en œuvre des mesures d’atténuation, et les compléter.
La COP28 aux Émirats arabes unis
Le Secrétariat de la COP est établi à Bonn, en Allemagne. Selon le Manuel de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP se tient donc par défaut à Bonn, sauf en cas de candidature d’un État (partie) à la Convention pour l’accueillir. Cela étant traditionnellement le cas, le processus d’attribution prévoit une rotation entre les cinq groupes régionaux des Nations Unies (Afrique, Asie, Europe centrale et de l’Est, Amérique latine et Caraïbes, Groupe des États d’Europe occidentale et autres États[5])[6].
En 2021, les Émirats arabes unis (EAU) se sont portés candidats pour l’organisation de cette COP. Une candidature soutenue officiellement le 2 novembre 2021 par le groupe régional asiatique des Nations Unies[7]. Cette candidature s’inscrit donc dans la continuité du principe de rotation géographique, puisque les deux éditions précédentes se sont tenues respectivement en Europe occidentale et en Afrique, et que les deux suivantes se tiendront en Europe de l’Est et en Amérique latine.
Bien que l’économie émirati soit en grande partie axée sur l’exploitation et l’exportation d’hydrocarbures comme le pétrole et le gaz, les Émirats arabes unis ont été, le 21 septembre 2016, le premier État de la région à ratifier l’Accord de Paris sur le climat. En 2021, les EAU ont annoncé leur stratégie pour atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050. En juillet 2023, cet objectif a même été avancé à 2045[8].
La COP28 sera particulièrement importante, puisqu’elle marquera la présentation et l’examen des premières conclusions du premier Bilan mondial sur la mise en œuvre des objectifs de l’Accord de Paris. Pour Simon Stiell, Secrétaire exécutif des Nations Unies pour le changement climatique, au-delà de constituer un état des lieux, ce bilan a pour objectif d’accroitre les ambitions pour lutter contre le réchauffement climatique, et donc aboutir sur des solutions concrètes avec des actions immédiates afin de limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C. Celui-ci servira également de base pour la mise à jour et l’amélioration des Contributions déterminées au niveau national que les États membres seront tenus de publier en 2025.
Par ailleurs, d’autres axes de travail clés ont été identifiés. Parmi les plus importants, on retrouve l’ambition de régler les détails du mécanisme de financement des pertes et des dommages. Alors que la COP27 avait permis de mettre en place des nouvelles modalités de financement, ainsi qu’un fonds dédié aux pays en développement les plus vulnérables, un Comité de transition avait été créé pour formuler des recommandations sur leur mise en œuvre opérationnelle. Celles-ci seront examinées durant la COP28 et devraient ainsi être adoptées. Des avancées sont également attendues en matière de financement des pays en développement et de réorientation des flux financiers, d’accélération de la transition juste et de réduction du fossé particulièrement conséquent des émissions[9].
L’action du secteur privé
Le Pacte mondial des Nations unies a lancé, avec le CDP, le WRI et le WWF, l’initiative Science Based Targets, qui offre aux entreprises une approche précise pour une croissance résiliente, en précisant l’ampleur et la rapidité de la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Fixer des objectifs fondés sur la science est devenue une pratique de business courante. Ainsi, les entreprises jouent un rôle majeur dans la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre et dans le soutien à la mise en œuvre des engagements pris par leurs pays.
Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies 2023, le Pacte mondial a également lancé l’initiative Forward Faster, qui appelle les chefs d’entreprise du monde entier à mener des actions mesurables, crédibles et ambitieuses dans cinq domaines prioritaires : l’égalité des sexes, l’action climatique, le salaire décent, la résilience à l’égard de l’eau, et celui de la finance et de l’investissement.
Le rôle de l’industrie pétrolière
Lors d’une conférence de presse sur le climat le 15 juin 2023, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, avait rappelé « l’urgence d’agir » et à progressivement éliminer les combustibles fossiles. Le Secrétaire général a cependant affirmé que l’industrie des combustibles fossiles devrait utiliser ses ressources massives pour justement conduire la transition mondiale vers les énergies renouvelables, et ainsi présenter de nouveaux plans de transition crédibles, complets et détaillés qui prévoient la réduction des émissions « en amont et en aval de la chaîne de valeur » – de la production au raffinage, à la distribution et à l’utilisation[10].
En effet, l’industrie des énergies fossiles peut s’appuyer sur des ressources financières particulièrement importantes, alors que le dernier rapport de la CNUCED met justement en avant un besoin d’investissement à hauteur de 2,2 trillions de dollars pour la transition énergétique dans les pays en développement[11]. Par définition, ce sont également ces entreprises qui disposent des leviers les plus importants en matière de réductions d’émissions.
Si l’arrêt des combustibles fossiles à long terme apparait en effet comme une évidence, une transition juste à court et plus moyen terme ne pourra pas se faire sans, et surtout vis-à-vis du pétrole dont la dépendance semble pour le moment encore incompressible.
Dans son rapport 2023, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) table sur une croissance de 16,5% de la demande mondiale de pétrole d’ici 2045[12]. Selon l’Agence internationale de l’énergie, cette croissance sera notamment stimulée par une hausse de la demande en produits pétrochimiques dérivés du pétrole et du gaz, comme le plastique, les engrais, le textile ou encore les équipements médicaux. Ceux-ci représenteront un tiers de la demande en pétrole d’ici 2030, puis près de la moitié d’ici 2050[13].
La décarbonation est un sujet intimement lié à celui de la production d’électricité, qui est aujourd’hui le secteur représentant la plus grande part des émissions de CO2 mondiales (41%), soit 16 points de plus que les transports (25%). Cela est en très grande partie dû à la combustion du charbon, qui représente 39% des émissions de CO2 mondiales, bien que ne représentant que 27% du parc énergétique. Le pétrole représente quant à lui 30% des émissions mondiales, pour une part plus conséquente du parc énergétique (31%)[16].
Au-delà de l’impact sur les émissions, se pose aussi la question de l’accès à l’électricité à l’échelle mondiale. Comme le rappelle l’Agence internationale de l’énergie, 43% de la population africaine n’y a pas accès, soit environ 600 millions de personnes. Pour atteindre un accès universel d’ici 2030 sur le continent, cela impliquerait d’électrifier 90 millions de personnes par an, soit tripler la dynamique actuelle[17]. Le développement d’une production d’électricité moins émettrice représente ainsi un enjeu majeur vers une transition juste.
Le Pacte mondial et la COP
Comme lors des années précédentes, l’initiative Caring for Climate, lancée en 2007 par le Pacte mondial des Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour l’environnement, et la CCNUCC, organisera un événement de haut niveau le 3 décembre, en zone bleue (réservée aux délégués et accrédités). L’événement se déroulera en présentiel sur invitation, avec la possibilité de suivre la retransmission sur UN Web TV[18].
Cet événement rassemblera des dirigeants du monde des affaires, de l’industrie, de la finance, de la société civile, des Nations Unies et des gouvernements, avec pour objectif d’accélérer les réductions d’émissions de gaz à effet de serre de manière immédiate. L’objectif est de faire passer un message fort sur l’ambition climatique des entreprises et de contribuer à l’intensification et à l’accélération de l’action climatique, alors que le Pacte mondial des Nations Unies a publié son état des lieux à mi-parcours de l’appropriation des ODD par le secteur privé.
En parallèle des événements de l’UN Global Compact, le Pacte mondial Réseau France sera présent à la COP28 et animera ainsi plusieurs événements.
[1] CNUCC. Qu’est-ce que la COP ? [en ligne]. [07/11/2023]
[2] CNUCC. Les cinq points clés issus de la COP27 [en ligne]. 2022 [07/11/2023]
[3] CNUCC. Les plans climatiques restent insuffisants : Nécessité de plus d’ambition [en ligne]. 2022 [07/11/2023]
[4] Direction générale du trésor. Retour sur le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial – 22 et 23 juin 2023 [en ligne]. 2023 [07/11/2023]
[5] Ce groupe inclut les États d’Europe de l’Ouest (24 pays), la Turquie, l’État d’Israël, les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie
[6] CNUCC. UNFCCC Handbook. Bonn: UNFCCC, 2006
[7] UAE Ministry of Foreign Affairs. Asia Pacific Group endorses UAE’s bid to host COP28 in 2023 [en ligne]. 2021 [13/11/2023]
[8] Reuters. UAE oil giant raises climate goal ahead of key UN summit [en ligne]. 2023 [07/11/2023]
[9] CNUCC. Pourquoi le bilan mondial est un moment critique pour l’action climatique [en ligne]. [07/11/2023]
[10] UN News. António Guterres appelle à l’élimination des combustibles fossiles afin d’éviter une « catastrophe climatique » [en ligne]. 2023 [07/11/2023]
[11] CNUCED. Rapport sur l’investissement dans le monde 2023. New York, United Nations Publications, 2023.
[12] La Tribune. Pour l’Opep, la demande mondiale de pétrole va monter en puissance d’ici à 2045 [en ligne]. 2023 [07/11/2023]
[13] IEA. Petrochemicals set to be the largest driver of world oil demand, latest IEA analysis finds [en ligne]. 2018 [07/11/2023]
[14] Ministère de la transition écologique. Données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement, et les transports [en ligne]. 2023 [07/11/2023]
[15] De Palma, Lindsey & Riou. Automobile : quel est le vrai coût quand on opte pour une voiture électrique ? [en ligne]. La Tribune, 2023 [07/11/2023]
[16] Ministère de la transition écologique. Chiffres clés du climat France, Europe et monde 2022 [en ligne]. [07/11/2023]
[17] IEA. Africa Energy Oultook, 2022 [en ligne]. 2022 [14/11/2023]
[18] Caring for Climate. High level meeting of Caring for Climate [en ligne]. 2023 [07/11/2023]